Fabriquée dans l'ombre et la misère pour être portée dans la lumière par les têtes nobles et couronnées, la dentelle symbolise comme nul autre ouvrage les deux extrémités de l’échelle sociale.
Mon travail interroge le public sur l’irremplaçable intelligence de la main dont témoigne l’art dentellier, à l’heure où la disparition du travail manuel, supplanté par l’intelligence artificielle nous est présentée comme inéluctable. Mes œuvres questionnent également l’exploitation des filles et des femmes ; dentellières d’hier, maintenues isolées dans les campagnes pour mieux en tirer parti, ouvrières d’aujourd’hui, rassemblées dans les usines précaires de l’industrie de la mode mondialisée.
10h de
travail en moyenne sont nécessaires pour fabriquer 1 cm² de dentelle d’Alençon (faite
à l’aiguille). Voilà qui donne le vertige aujourd’hui à l’heure de la
surproduction textile, du rythme effréné des collections, des achats compulsifs
de médiocre qualité qui resteront dans nos placards. En 2013, 1135 travailleurs
du textile ont péri dans l’effondrement du Rana Plaza au Bengladesh abritant
plusieurs ateliers de confection travaillant pour des marques internationales
de vêtements. Depuis toujours l’industrie textile est créatrice de conditions
de travail déplorables. Dentellières d’hier, ouvrières de misère penchées sur
leur ouvrage, prenons le temps d’observer les trésors que leurs mains habiles
ont su réaliser avec patience et persévérance.
